Le capitalisme s’est toujours nourri des critiques qui lui sont adressées. Au début des années 1980, il renouvelle ses modes de légitimation en diffusant, par la voix des responsables politiques et des médias, la croyance en une possible conciliation de la croissance économique (comprendre la poursuite de l’accumulation du capital) avec le progrès social et la préservation de notre environnement biophysique. Relayée par le monde académique qui s’empresse de la maquiller en « concept », cette croyance habilement baptisée « développement durable » s’impose comme norme. Trois décennies plus tard, si l’accumulation du capital a beaucoup progressé, les inégalités sociales se sont accentuées et les scientifiques mettent en garde contre une dégradation environnementale qui devient de plus en plus alarmante. La formule « développement durable » perd de sa capacité à légitimer le cycle sans fin consommation-accumulation. Qu’à cela ne tienne ! Le slogan de substitution, tout aussi imparable, « transition », émerge dans les années 2010 selon le même processus de collusion des sphères économique, politique et académique. La machine à accumuler repart de plus belle, forte des juteuses perspectives d’un nouveau cycle énergétique et minier. En même temps tout s’accélère sur le versant social avec la répression sans faille des révoltes qui semblent menacer l’ordre marchand. Même accélération sur le versant écologique avec une planète qui brûle pour de bon sur tous les continents et toutes les latitudes. Des aires de plus en plus vastes deviennent inhabitables et l’orchestre continue de jouer, à peine perturbé par de nouvelles formes de résistance, pas si nouvelles d’ailleurs, dont nous parle Andreas Malm.
Pierre
Activiste socio-anthropologue et géographe dissident
26 août 2023